Je ne me lève pas le matin en disant : vive le Cameroun.
Cette phrase a été prononcée par Thomas Ngijol, lors d’un passage dans l’émission de divertissement français TPMP. Sorti de son contexte cette phrase peut être interprétée de diverses façons. Et elle peut questionner l’engagement particulier de Thomas Ngijol pour la cause de la communauté noire.
Qui est Thomas Ngijol ?
Thomas Ngijol est un humoriste français d’origine camerounaise. Il a commencé à se faire connaître en jouant ses one-man-show dans différents spectacles parisiens. Il a ensuite été repéré par le Jamel Comedy Club où il jouera et peaufinera son spectacle A Block.
Filmographie
Le cinéma français adore les stéréotypes. Le noir dealeur de drogue, récidiviste ; l’arable voleur ou violeur ; et le blanc fragile.
Comme il l’a révélé dans une interview dans l’émission RDV avec Kévin Razy, Thomas Ngijol a refusé plusieurs rôles qui selon lui, contribuerait à nourrir les clichés déjà nombreux envers la communauté noire.
Malgré ce fait, à son actif plusieurs spectacles, émissions grand public et films en tant que Acteur, Ecrivain, Scénariste, et Réalisateur ; plusieurs de ses actifs marquant à jamais le paysage de l’audiovisuel francophone.
- A Block : Son premier spectacle dans lequel il aborde des termes comme le terrorisme, les inégalités entre les pays du Nord et ceux du Sud, les banlieues, la religion et la relation homme-femmes.
- Thomas Ngijol 2 : Ici il se livre, sur sa vie personnelle, son rôle de père, sa vie de famille et sa nouvelle vie entre énormément de succès dehors et une vie on ne peut plus simple jonchée de petits problèmes dans la vie privée et de sa nouvelle fonction de père.
- Case départ : Un film qui replonge le spectateur d’aujourd’hui dans l’époque et les lieux où se sont déroulés l’esclavage occidentalo-chrétienne. Sans réellement aborder de front ce sujet, le film se centre plus sur l’opposition entre deux parties de la communauté noire : celle qui considère que les noirs sont le problème (pour eux mêmes) et celles qui considèrent qu’ils sont les victimes du système.
- Le crocodile du Botswanga : Un film humoristique qui dénonce avec beaucoup de finesse les démocraties de façade dans une grosse majorité de pays d’Afrique.
- Fastlife : Histoire d’un athlète franco-camerounais, qui après un moment de gloire chanceux aux jeux olympiques, essaie plusieurs années plus tard de revenir sur le devant de la scène aidé de son meilleur ami, de sa petite amie et de son agent.
- Selon Thomas : Emission diffusée sur Canal +, petit magazine d’une trentaine de minutes (8 épisodes au total) parsemé de sketchs inédits devenus légendaires (Black Macron, Black Bacri, Joël le gros porc, Nouveau Bobo, L’imposteur, Le Black Cool dans la musique française …) et de lives musicaux (Dinos : les pleurs du mal, Oxmo Puccino : les potos
- Black Snake : Film réalisé par Thomas Ngijol et sa compagne, qui revient à la charge sur les problèmes de gouvernance en Afrique. Un expatrié africain revient dans son pays et se voit enrôlé de la mission, en tant que super héros africain, de débarrasser son pays du dictateur qui empoisonne la vie de sa population, en complicité avec la France.
- Les cobayes : Un couple ensemble depuis l’enfance, se rend peu à peu compte de la morosité de leur vie de couple actuelle. Ils décident de se porter volontaire pour être les cobayes, d’une expérience scientifique censée renforcer le désir et le lien dans leur couple.
Un engagement à travers l’art.
Le truc, c’est de travailler, avancer, essayer, ne pas passer ses journées à se branler, ne jamais se tromper de cause. Ne pas crier à l’injustice dans le monde tout en se comportant comme un connard dans la vie.
Cette phrase prononcée par Thomas Ngijol, résume son mode de pensée quand à son rôle dans l’amélioration de la perception de ses congénères. Comme il l’a dit dans une interview pour ‘Brut.’, S’engager contre le racisme ne veut pas dire grand chose.
A travers toutes ces oeuvres Thomas Ngijol porte des messages forts qui sont vus et revus par des millions de personnes dans le monde. De par son status et sa popularité, il aurait pu s’atteler à rester dans un univers policé qui pourrait plaire à la France des élites et des traditions. Mais depuis ses débuts, à travers son art, il s’engage à être la voix des sans voix de l’Afrique.
- Dans Case Départ, il offre une autopsie de la situation actuelle des noirs en France, de la discrimination qui opposent parfois les noirs d’Afrique et ceux des Îles (Antilles, Haïti, …). De la jalousie entre les noirs qui réussissent et ceux qui réussissent moins. Le Film évoque également des sujets comme :
- Les noirs qui discriminent à leur tour leurs congénères pour montrer patte blanche et plaire à l’Aristocratie Française.
- Des noirs qui ayant comme seul excuse le racisme, et le système se cantonnent dans la médiocrité sans aucun effort pour s’élever socialement.
- Le Crocodile du Botswanga : Il offre la vision d’un pays imaginaire Africain dont la situation ressemble à s’y méprendre à celle de beaucoup de pays du Continent.
- Un président dictateur dans un semblant de démocratie ;
- Des opposants de façade corrompus à la solde du pouvoir en place ;
- Une administration qui pillent les ressources du pays au dépend de la population et au profit de leurs intérêts personnels ;
- Le néocolonialisme malsain des puissance occidentales et de la Chine qui se déguise en Prêt, Investissements pour s’accaparer et exploiter les ressources des pays Africains ;
- Le culte du président qui est poussé jusqu’à l’extrême.
- Black Snake : Ce film met un scène un super héros africain, vivant sur le sol Africain et qui s’attèle à secourir la population africaine. Sa spécialité est que ses super pouvoirs s’atténuisent quand il commet des actes repréhensibles. Comme dans le Crocodile du Botswanga, il met ici en scène les problèmes de gouvernance en Afrique, l’ingérence des anciens colonisateurs dans la vie politique des anciens colonisés et l’inaction de la communauté internationale.
Messages
A travers sa filmographie et ses spectacles Thomas Ngijol véhicule plusieurs messages.
Arrêter de se plaindre :
Au lieu de sans cesse se plaindre de la sous représentation des noirs dans le cinéma français, pourquoi ne pas créer des films de toute pièces qui mettront en valeur ces talents et qui permettra également de venir en Afrique et mettre en valeur les talents locaux ? Ce travail, Thomas Ngijol l’a fait à trois reprises dans 3 films distincts : Le Crocodile du Botswanga, Fast Life, et Black Snake.
Ce n’est pas en criant qu’on résout les problèmes : il faut agir, montrer autre chose, qu’une autre option est possible.
Thomas Ngijol dans les grandes gueules.
Faire les choses par nous mêmes :
Sur Black Snake, 80% des acteurs sont noirs et 70% sont des inconnus.
J’attends rien des autres, je me bouge pour faire avancer les choses. Telle est la maxime de Thomas Ngijol, qui aura réussi à mêler sa culture française à celle africaine à travers ses réalisations, et à faire le lien entre les comédiens du continent et ceux de la diaspora.
Rester vrai.
A travers toute sa filmographie et ses spectacles, Thomas Ngijol a toujours pris soin de décrire plus ses faiblesses que ces forces. Dans “Thomas Ngijol 2” le spectacle, il nous décrit ses retours à la maison après les spectacles ou la solitude et le désespoir pouvaient le gagner malgré sa femme, ses enfants, sa réussite.
Il y décrit également ses rapports des fois maladroits avec ses belles filles.
Et au moment de faire un film de super-héros, il a axé le film non pas sur les forces du super-héros mais sur ses faiblesses.
Conclusion
Thomas Ngijol est un exemple de militantisme discret, loin des grands discours et des paroles vaines. Il aura de par toutes ses réalisations mises en valeur ses origines camerounaises, la culture et le cinéma africain. Et aussi prôné l’action plutôt que la complainte dans la médiocrité.
Et le meilleur est encore à venir.